ANGE PIERAGGI

PIERAGGI (Ange)

PIERAGGI (Ange)

Son (ses) livre(s) publiés chez JFE :

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Quelques mots sur l’auteur…
Ange Pieraggi est peintre. Il  vit et travaille à Paris. La singularité de ses travaux (la figuration de gros plans) l’a contraint à un étayage théorique de sa pratique. La fréquentation des textes l’a amené à écrire sur l’art (Art Press, La Voix du Regard), sur le cinéma (Positif) et sur la philosophie (Concepts, Chimères).

Autoportrait au miroir…
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Ange Pieraggi, a très tôt infléchi sa peinture vers la figuration de gros plans. Ce qui, dans sa jeunesse, n’était pas un gage de modernisme, puisque l’avant-garde du temps avait rangé la figuration au magasin des obsolescences (l’époque était alors dominée par un questionnement sur les conditions de l’œuvre : le support, la surface, le geste, la matière…). Pour étayer sa pratique un peu clandestine, Ange Pieraggi s’est documenté. La fréquentation des textes l’a amené à écrire sur l’art (La Voix du Regard, Art Press), sur le cinéma (Positif), et sur la philosophie (Chimères, Concepts).
Pourquoi le gros plan ? Né de la photographie, le gros plan est une image qui est apparue très tard dans l’iconographie. Par le biais d’un appareil de prise de vue (qui invente au passage le hors-champ) un découpage du visible a pu s’opérer, alors qu’auparavant les images peintes ou dessinées concentraient à l’intérieur du cadre tous les éléments nécessaires à leur lecture. Si la peinture traditionnelle (figurative) était en effet ouvertement narrative (selon le précepte d’Alberti qui définit le tableau comme « une fenêtre à travers laquelle on peut lire une histoire »), le gros plan, tout en conservant la figuration, se soustrait à la narration puisque le contexte nécessaire au développement d’une histoire est évacué de l’image.
– La première manière des tableaux d’Ange Pieraggi concerne surtout les visages. « Le gros plan arrache le visage à ses coordonnées spatio-temporelles et exprime l’affect » précise Deleuze. L’affect : une entité pure, telle la peur, ou la joie… une émotion déconnectée de sa cause. Encore saisi dans la chair du visage qui l’exprime, l’affect est comme arrêté dans son actualisation vers une narration (par l’absence, dans l’image, du contexte nécessaire à son développement). Le gros plan s’ouvre ainsi, paradoxalement, au domaine des possibles : celui des virtualités du sens.
– Mais le visage (close-up) est très connoté dans notre occident. Et son substrat charnel est le plus souvent relégué au profit d’une considération des passions de l’âme. C’est pourquoi Ange Pieraggi a orienté son travail vers cette autre catégorie du gros plan : l’insert. Cadré sur des mains qui disputent au vêtement la focalisation du regard, ce nouvel abord permet d’articuler l’étoffe à la peau (deux partenaires cutanés que le vocabulaire hésite même à séparer, puisque le terme tissu peut les signifier indifféremment). C’est clairement le monde des plis qui est approché : le corps saisi comme la complexité (de com-plectere = constitué de plis) d’une chair, doublé à la surface du vêtement qui le cache… tout en le soulignant. C’est moins un jeu érotique qui est proposé ici, qu’un dévoilement destituant l’humanité vers l’animalité, voire plus bas encore : vers l’organicité où la détermination même se dérobe, l’obscène. Une inquiétante étrangeté gît sous la doublure…
– Et c’est vers un questionnement du double (et des avatars de la répétition dans la différence) que s’oriente la troisième phase du travail d’Ange Pieraggi, par le biais de ses diptyques. Ces tableaux étrangement jumeaux sont de faux parents. Contrairement aux apparences, l’un n’est pas le modèle de l’autre puisqu’ils sont peints ensemble. Chaque touche de couleur posée sur un panneau est reportée dans le même geste sur le tableau voisin, établissant entre eux des similitudes plutôt que des ressemblances (la ressemblance implique la hiérarchie du modèle sur la copie, la similitude multiplie les affirmations différentes qui dansent ensemble, dit en substance Michel Foucault). Le spectateur, pris dans le miroir des analogies, reconduit du regard les gestes mêmes du peintre, et délaisse dès lors toute spéculation en profondeur pour une considération des surfaces et des conditions de l’ouvrage.

 

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