Son (ses) livre(s) publiés chez JFE :
Quelques mots sur l’auteur…
Alain Emery est né en 1965 à Saint-Brieuc.
Il est l’auteur de huit recueils de nouvelles (le septième, D’aussi vastes déserts, aux Éditions de la Tour d’Oysel, était finaliste du Prix Boccace 2014), de sept polars et d’autres ouvrages (Petits morceaux du paradis, Éditions Ouest et Compagnie).
Il a publié en revue (Matricule des Anges, Archipel, Brèves, Harfang, Hopala…), participé à diverses anthologies (Ici et là, en Bretagne, aux Éditions Keltia Graphic – Remix aux Éditions Hachette, etc.) et signé des fictions pour Radio France.
Il anime en bibliothèque, depuis 2012, des rencontres autour de Giono, Faulkner, Cendrars, London…
Chez Jacques Flament, il a signé cinq ouvrages, Les Porcelaines, L’épaule des cavaliers, D’un simple jour à l’autre, Cette seule voix (livre d’art réalisé en collaboration avec Anne Lurois) et Jack London, un ogre au cœur d’argile.
Autodidacte à l’imaginaire fertile, Alain Emery s’appuie sur une écriture baroque pour explorer notre humanité.
Autoportrait à la torche…
Je suis, face à moi, comparable au peintre devant la toile blanche. J’hésite. Entre le rouge ardent des bateleurs et le bleu de Prusse qui sied aux océans comme aux mélancolies.
J’espère quelques nuances : pouvoir, au noir charnu de mes colères, opposer la couleur chaude d’un cœur ouvert aux quatre vents ; livrer mes camaïeux, m’offrir un clair-obscur. Mais je ne suis sûr de rien. Au fond, je ne sais de moi que deux ou trois petites choses.
D’abord, que j’écris chaque jour, quoi qu’il advienne, comme du fond de cette cabane de jardinier où je me cachais, étant gosse. Entre les planches disjointes, les bruits du monde dont j’avais réussi à m’extraire me parvenaient alors atténués, cotonneux, comme à l’aube d’un jour de neige. C’est en partie après ce feutre que je cours désormais.
Ensuite, et quoi qu’on dise de mon écriture (qu’elle se montre sensuelle, poétique, baroque ; selon les jours, baume ou poison violent. On dit ce qu’on veut) que je m’en sers comme d’une torche. Je traverse les nuits inquiètes. Je fouille en nos ténèbres. Sous les ombres, au fond des failles, je cherche l’homme. Celui que je suis. Celui que nous sommes.
Enfin, que le cône de lumière qui tombe de ma lampe de bureau marque la frontière d’un territoire plus vaste qu’il n’y paraît. Il est de la taille d’un monde. J’en suis l’heureux souverain. Parce qu’avec trois fois rien – un peu d’encre, des carnets à petits carreaux, autant d’amour que de patience – je bâtis des châteaux de cartes qu’il me plaît de voir tenir debout ; des bastilles au cœur desquelles, comme on abrite du vent une flamme entre ses mains, je crée de toutes pièces, sans trop savoir comment, de petites histoires, de petites émotions, dans l’espoir insensé qu’elles iront, au-delà du temps et de l’espace, vers l’autre, que je ne connais pas et qui m’attend peut-être.