« Le monde est un comprimé tombé dans un verre d’eau », constate Raymond Queneau dans ses posthumes Contes et propos. Dès lors, noyés dans la flotte, faisons de chaque effervescence vivace une œuvre unique, autrement préférons lui l’ennui désabusé et laissons-nous sombrer dans l’inertie mortifère.
Si vous êtes pour l’action, l’impératif est de mise. L’impératif, mode grammatical qui suppose, à l’envi : 1° l’ordre ; 2° le conseil ; 3° le souhait ; ou encore, combiné avec la négation, 4° une interdiction.
Il sera donc, en milieu aqueux naissant ou à sa surface oxygénée, en ce qui nous concerne et rapporté étroitement à notre matière de prédilection (la culture), ponctué de son point d’exclamation :
1° Stimulez votre cortex !
2° Arrêtez de consommer la sous-culture abrutissante !
3° Quittez Plasma avenue ! Prenez rue Victor Hugo ! Rendez-vous Café Kafka !
4° Ne vous laissez pas bouffer par la médiocratie ambiante !
En d’autres mots, foin de vouloir nous poser en dénonceurs du vide palpable, nous prônons l’action directe contre la bêtise envahissante par l’impératif de situation. Autrement dit… Résistez ! Révoltez-vous ! Changez le monde ! Sortez les mots pour lutter contre l’inertie !
Car un constat s’impose, en ces temps incertains, passablement agités et gouvernés par la peur de l’autre : la culture (et son potentiel vivifiant) est la grande absente du débat. Alors que la France est toujours en état d’urgence et que l’Europe s’enlise dans un contexte global de mondialisation, la seule solution proposée pour sortir du marasme est la fuite en avant économique et un nivellement par le bas, copié sur les standards américains.
Et si la solution venait de la culture ? Et si nous tentions, par la culture, l’éducation, le savoir, la connaissance, de nous montrer les dignes héritiers des Lumières, des Surréalistes, des Oulipiens, pleins de vertus magnifiques, qui éclairèrent naguère une bonne partie du monde plutôt que de nous vautrer dans des divertissements qui volent au ras des pâquerettes d’une lamentable et indigente téléréalité. Et si, tous ensemble, nous opposions la création à la destruction ?
Où sont les intellectuels engagés pour faire face aux dérives d’un monde qui s’emballe et se perd dans l’insignifiance et la violence ? Où sont les Voltaire, Hugo, Zola, Camus, Sartre de notre époque pour guider nos esprits en cette période trouble ? Ne sommes-nous pas résistants dans l’âme, face aux forces obscures du repli et aux modèles marchands des envahisseurs, ceux-là mêmes qui veulent briser nos spécificités pour mieux nous façonner ? Devons-nous remettre notre quête de sens entre les mains des politiques qui n’ont que trop souvent pour vision la reconduction de leur mandat ?
Idées, pensée, création sont donc les parents pauvres des discours d’une société qui se délite. Or, paradoxalement et historiquement, elles constituent la plus grande richesse de la France et de l’Europe, entité récente de 500 millions d’esprits qui unit à présent nos destins, quoi que pensent passéistes et nationalistes de tout poil. Et ces racines historiques semblent vouées au pourrissement avant l’heure si nous n’y prenons garde. Dès lors, il faut les revisiter d’urgence sous peine de plonger dans un gouffre abyssal prévisible, point de chute imparable de notre course folle à la croissance et au profit immédiat, négation de la dignité et de l’essence de l’homme : sa pensée.
Non, la richesse n’est pas que matérielle. La richesse est aussi intellectuelle, créative. La vie ne prend son sens qu’avec les forces de l’esprit, le savoir. La vie dans la peur et le repli est un déni de vie.
Dans ce contexte, l’émergence d’un magazine nouveau, prônant le décryptage du monde par les mots et la création, ne peut être qu’une bonne nouvelle dans un paysage médiatique gouverné par la tyrannie des images souvent cruellement dépourvues du recul nécessaire pour les appréhender. Nous transcrirons ce monde de façon accessible et réfléchie, vous proposant des DOSSIERS brûlants pour comprendre la société actuelle à travers le prisme de la culture, statique ou vivante, reconnue, d’avant-garde ou populaire. Nous donnerons la parole aux acteurs reconnus de ce milieu, qui vous inviteront via nos GRANDS ENTRETIENS sur leurs propres chemins à travers leurs actions, leurs œuvres et leurs écrits. Enfin nous assaisonnerons le tout d’EFFERVESCENCES IMPÉRATIVES, subjectivement incitatrices aux lectures et aux découvertes imparables, décrétant ainsi que le cerveau ne peut que s’enrichir de perles de culture.
Ce magazine, nous le voulons sobre mais dense, sans artifices, indépendant de tout pouvoir, loin de la futilité marchande où textes et idées sont réduits à peau de chagrin. Il sera longtemps, nous l’espérons, dans cet esprit initial : mettre en avant les mots, la parole, le sens pour stimuler, à travers la création, le cortex d’un monde qui se cherche et pour mieux le vivre ensemble.
Jacques Flament