Son (ses) livre(s) publiés chez JFE :
Quelques mots sur l’auteur…
Rachid Chebli naît à Mohammedia, au Maroc, en 1967. Il arrive en France en 1976 sans parler le français. En 1986, il obtient son baccalauréat, fait des études universitaires avant de voyager en Europe et au Maroc. Il s’installe ensuite à Bolbec, la ville qui l’a accueilli à son arrivée en France, où il devient professeur d’anglais, écrivain et conseiller municipal. Après deux romans et deux recueils de nouvelles, qui ont tous pour décor la Normandie, voici une première chronique où il relate son engagement politique en 2001, et son exaltante mais parfois très douloureuse expérience d’élu de la République.
Autoportrait…
Il n’est pas toujours vrai que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est la raison pour laquelle, et alors même qu’une tribune m’est offerte ici pour m’adonner à ce plaisir sans nul autre pareil de parler de soi, je vais déroger à la règle et ne pas parler de moi. Je voudrais laisser un ami le faire à ma place…
Car qu’aurais-je pu dire sur moi ?
Qu’écrire est une nécessité absolue ? Que je ne peux pas imaginer pouvoir vivre sans écrire. Que sans être un ermite retiré du monde – bien au contraire, je suis pleinement engagé dans mon siècle ! – la littérature me sert parfois de bouclier, de rempart contre sa cruauté ; une manière à la fois de défense et d’indignation. Qu’il m’arrive de ne pas savoir d’où me viennent ces mots qui s’ajoutent les uns aux autres pour susciter une émotion chez celui qui les découvre, à commencer par moi qui les ordonnance. Que j’ai la sensation étrange, quelquefois, que de ces perceptions, je ne suis que le medium : que quelqu’un d’autre s’exprime à travers moi, un autre auquel je dois faire place, chaque fois que je m’installe devant mon clavier pour écrire.
Qu’aurais-je pu dire sur mes écrits qui n’y soit déjà ?
Qu’il m’a fallu beaucoup de temps, de persévérance et d’entêtement pour ne jamais céder au découragement, afin de maîtriser (maîtriser est-il bien le terme exact ? J’en doute…) le français et être capable de m’exprimer dans cette langue qui n’est pourtant pas ma langue maternelle ? Que ma joie vient lorsque, après des heures et des heures d’une lutte acharnée, je parviens à trouver le mot juste et l’expression idoine.
Qu’aurais-je pu dire sur Le Témoin, (qui ne m’appartient déjà plus mais plutôt à vous, lecteurs) que vous ne découvriez en le lisant… à part peut-être qu’il m’a fallu cinq longues années pour terminer la rédaction de ce deuxième roman (dont j’ai traité le sujet une première fois dans une nouvelle intitulée La Malédiction, publiée en 2009 et que j’ai souhaité développer) dans lequel j’ai mis tout mon savoir et ma science de l’écriture (quelle prétention !) à raconter l’histoire de cet enfant à la vie brisée par la férocité du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Non, vraiment, je ne pense pas être capable de parler mieux de Rachid Chebli et de ses écrits, que ne le fait mon regretté ami Jean Rivet dans les quelques lignes qui suivent, qu’il m’a consacrées dans l’un de ses écrits, au même titre qu’à Bernard Clavel, Françoise Sagan ou Léopold Sédar Senghor, parmi beaucoup d’autres noms de la littérature qu’il aimait, qu’ils soient Français ou d’ailleurs (c’est dire l’honneur qu’il me faisait) et la raison aussi pour laquelle je voudrais lui rendre hommage.
Voici :
Au 7e Salon du Livre de l’Eure, en décembre 2000, il y avait Marcel Cerdan (le fils), Arthur Conte, Bernard Lavalette, Zappy Max, Pierre Messmer (ancien Premier Ministre), André Aubert (Don Patillo habillé en prêtre), maître Capello…
Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l’imagination littéraire, face à ceux qui ne vendent que la célébrité de leurs noms, ait droit de cité ?
Rachid Chebli avait un stand à la droite du mien. Avec aussi peu de chalands.
Et pourtant.
Et pourtant, La Fête Clandestine, un ouvrage de vingt-cinq nouvelles, est un excellent livre ; un livre qu’il faut, je crois, lire et relire, comme si on était derrière une grande baie vitrée, à l’écoute du temps, de nos souvenirs, de notre enfance, du sable et des mots dans nos mains.
On comprend évidemment et très bien la dualité – les racines sont ailleurs, dans un pays de soleil où les maisons sont blanches – qui habite cet auteur, qui, né au Maroc en 1967, est arrivé en France en 1976. Rachid Chebli s’est installé en Normandie. Il enseigne l’anglais dans un lycée de Pont-Audemer (Eure).
Cette dualité se manifeste dans son écriture, dans ses nouvelles, qu’il nous convie à partager.
J’ai retenu, mais il faudrait pratiquement toutes les citer :
– La boîte à musique, ou A.N.P.E. veut dire Arabe Nourri Par l’État ;
– La ficelle, où une femme appelle son chien Bougnoule ;
– Et surtout , une nouvelle superbe, dont l’intensité nous prend à la gorge : l’amour impossible d’un Arabe pour une jeune fille normande : « Ils se sont quittés sur un baiser. Un baiser d’adieu. Long et tendre. Aussi long et aussi tendre qu’aurait pu être leur union courte. Cette union dont leurs parents ne voulaient pas. Un amour mort-né. Comme l’enfant qu’ils n’auront jamais ensemble. »
Un Roméo et Juliette d’aujourd’hui.
Rachid Chebli, en fait, est un poète.
Lisez-le, vous en entendrez parler. (16 janvier 2001)